Alors que le Gouvernement vient de présenter ce jeudi 10 octobre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, la Ligue contre le cancer se mobilise en faveur d’un texte plus juste, dont les recherches d’économies ne se font pas au détriment des patients, mais s’appuient plutôt sur la prévention et la fiscalité comportementale.
« Le cancer demeure encore aujourd’hui la première cause de décès prématurés en France. Plutôt que de s’attaquer aux acteurs responsables des facteurs de risque de la maladie, le PLFSS 2025 fait porter la charge aux malades, à travers des franchises et une notion de pertinence des prescriptions qui engendreront des refus de remboursement. Double peine pour les patients dont nombre risquent de renoncer aux soins ! Nous n’accepterons pas de faire des malades la variable d’ajustement, alors qu’il existe d’autres possibilités pour faire face aux dépenses. » Philippe Bergerot, Président de la Ligue contre le cancer.
Le patient au coeur de la cible
Les transports sanitaires comme variable d’ajustement
Les transports sanitaires représentent aujourd’hui en France le deuxième reste à charge le plus élevé derrière les soins dentaires pour les affections de longue durée (ALD) cancer1, en moyenne 961 euros.
Dans le nouveau PLFSS 2025, sous prétexte de renforcer la pertinence des prescriptions d’actes, les usagers et les patients sont surtout sanctionnés en soumettant leurs remboursements au remplissage d’un formulaire spécifique par leur médecin. Le PLFSS 2025 augmente ainsi considérablement le risque de refus de soins par les personnes atteintes de cancer éloignées des centres de soins, ce qui représente un sujet essentiel et une crainte pour la Ligue
L’année dernière, le Gouvernement s’était déjà malheureusement dirigé dans cette voie de la rupture d’égalité, puisqu’il était prévu dans le PLFSS 2024 un système « à deux vitesse » qui laissait le loisir au médecin de prescrire un transport sanitaire individuel en fonction de l’état de santé, les patients étant dans l’incertitude d’être remboursé même en cas de cancer. Les traitements des cancers génèrent pourtant des effets indésirables lourds pour les personnes qui en sont atteintes.
1 * Etude BVA pour la Ligue février 2024
L’arrêt de travail ou l’arrêt des soins ?
Le gouvernement prévoit également de plafonner les indemnités journalières à 1,4 Smic contre 1,8 Smic actuellement. Le risque est majeur et loin d’être anodin, puisqu’il va naturellement pousser les personnes malades ne bénéficiant pas de maintien de salaire à se maintenir en emploi pour assurer leur équilibre budgétaire ; mettant alors en jeu leur santé, notamment pour les personnes atteintes de cancer.
Prescriptions non pertinentes : les patients paieront les pots cassés
Le PLFSS 2025, sous couvert de maitriser la pertinence des prescriptions, ne responsabilisera pas les médecins mais alourdira au contraire leurs démarches, tout en pénalisant les patients qui pourront se voir refuser des remboursements de la part de la caisse d’assurance maladie. Les actes concernés sont nombreux : actes de biologie, d’imagerie médicale, de transports sanitaires… Autant d’actes importants pour la pertinence des soins, notamment des personnes atteintes de cancer.
Les prescriptions seront ainsi conditionnées à des mesures administratives supplémentaires, de vraies « usines à gaz » pour les médecins qui étaient censées se recentrer sur du temps de soin dans un contexte de désertification médicale. S’ils ne remplissent pas ces formulaires, les patients ne seront plus remboursés.
Hausse du prix des complémentaires santé malgré une baisse de la prise en charge
Les transferts de charges annoncés de l’assurance maladie vers les complémentaires santé et mutuelles annoncent inexorablement une augmentation des cotisations pour les travailleurs.
Les indépendants (agriculteurs, artisans, commerçants, professionnels libéraux, chômeurs, retraités, personnes en invalidité) seront les plus impactés quand ils se retrouveront au-dessus des seuils sociaux. Les Français moyens seront touchés au coeur du portefeuille, entre restes à charges, forfaits, franchises, dépassements d’honoraires, parfois jusqu’à deux mois et demi de revenus par an consacrés à leur santé…
Des recettes ciblées pour améliorer la prévention
Rationnaliser les dépenses et faire des économies sont évidemment essentiels dans la situation budgétaire actuelle, La Ligue en a conscience. Mais l’effort financier ne peut pas reposer uniquement sur les patients, dont les personnes atteintes de cancer seront les premières victimes, puisqu’elles nécessitent des soins et un suivi important. Alors que les patients vont « passer à la caisse », comment expliquer l’exonération actuelle des acteurs qui favorisent les facteurs de risque connus, les maladies chroniques et donc les dépenses inhérentes ?
Le PLFSS 2025 ne comporte aucune mesure visant à limiter la consommation de tabac, d’alcool, l’omniprésence du sucre dans l’alimentation et le développement d’une alimentation ultra-transformée. Malgré un rapport du Sénat encourageant les taxes comportementales pour agir en amont sur les causes de cette épidémie industrielle à l’origine de l’explosion de coûts sociaux et dépenses de santé qui en découlent, il n’y a rien sur :
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L’alcool : un prix minimum sur l’alcool dont l’efficacité a été prouvée en Ecosse. Cette proposition figurait sur le rapport 2024 du Sénat sur la fiscalité comportementale, accompagnée d’une taxation de la publicité sur tous les médias et réseaux sociaux. Avec cette mesure, les dépenses de santé diminueraient très vite en préservant des vies (moins d’accident, moins de personnes aux urgences, moins de violence et moins de cancers ultérieurs…).
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Le Tabac : augmentation du prix du paquet d’une manière significative pour éloigner les personnes de l’addiction et l’alignement de la taxation des produits nicotinés sur celle des produits du tabac, porte d’entrée vers le tabagisme pour les plus jeunes. Le tabac est le premier tueur et la fiscalité sur ces produits est la meilleure mesure reconnue par l’OMS.
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Les produits sucrés : l’idée est de combattre l’obésité en constante augmentation dans le pays. Il s’agit de taxer le sucre et les produits ultra transformés, qui bénéficient d’une sous-taxation par rapport à nos voisins européens, ainsi que la publicité liée à ces derniers.
Comment se priver, dans le contexte actuel, de nouvelles recettes nécessaires à la survie de notre système de santé ?
Les conséquences du PLFSS 2025 pour une personne atteinte de cancer :
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Elle devra rembourser elle-même son ambulance, si la sécurité sociale estime la prescription non conforme aux recommandations.
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Elle sera moins bien soignée face aux effets secondaires des traitements pour éviter les restes à charges liés à une consultation médicale en dehors du parcours cancer.
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Elle devra se maintenir en emploi malgré la fatigue et les absences incessantes pour soins pour éviter de faire chuter son niveau de vie.
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Elle renoncera progressivement à un déplacement aux urgences ou à l’achat de médicaments afin d’éviter les coûts non pris en charge par l’assurance maladie. Zoom sur le cas de Jean-Paul, chef d’exploitation agricole à titre principal, qui prendra sa retraite en 2026 (L’exemple cité dans le communiqué de presse du PLFSS 2025).
- Avec la législation actuelle sa pension de retraite mensuelle serait de 1 319 €. Avec la réforme il percevra 1 467 € par mois de retraite, soit une augmentation de 11 % de sa retraite (148 €).
- Jean-Paul en vieillissant verra sa complémentaire santé augmenter de façon significative, ce qui neutralisera l’augmentation de sa pension de retraite.
- En 2027, Jean-Paul sera peut-être atteint d’un cancer. Parce que son médecin n’a pas rempli le bon formulaire pour son transport vers le centre de radiothérapie, Jean-Paul recevra une facture de l’ambulancier avec 700 euros à payer par jour sans aucun remboursement.
- Pour une semaine, la somme à sa charge sera de 3500 euros. Jean-Paul, ne pouvant payer une telle somme, pourrait être amené à abandonner ses traitements en oncologie…